L’offre politique des 12 candidats s’adressait à 3 composantes de l’électorat :
Par commodité, les voix obtenues par l’inclassable Jean Lassalle seront supposées se rattacher par tiers égaux et chacune des composantes.
– Les Nationalistes – Leurs voix se sont portées au 1er tour sur Marine Le Pen , Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan dont les électorats se recouvrent à peu près pour les sujets sociétaux et de souveraineté, mais divergent pour les sujets économiques pour lesquels Le Pen a des options de gauche et Zemmour des options de droite.
L’ensemble de leurs voix représente 33,33 %.
– Les Centristes – Leurs voix se sont portées au 1er tour sur Emmanuel Macron et Valérie Pécresse dont les électorats ne se distinguent que par des nuances : un peu plus à droite pour Pécresse sur les sujets économiques et régaliens, mais assez à gauche pour tous les deux sur les sujets sociétaux et de souveraineté partagée.
L’ensemble de leurs voix représente 33,67 %.
– Les Gauches – Leurs voix très diverses se sont réparties au 1er tour entre les gauches radicales ou extrêmes de Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, l’écologie de gauche de Yannick Jadot, la gauche socialiste d’Anne Hidalgo. L’ensemble de leurs voix représente 33,00 %.
Cette répartition en 3 tiers égaux reflète grosso modo les tendances de l’électorat mais elle cache des mouvements internes importants à l’intérieur de chacun des 3 groupes entre le début et la fin de la campagne électorale.
– Au début du mois de février, chaque électeur se déterminait en fonction de ses préférences personnelles réelles sans anticiper encore une projection sur le 2ème tour. Les sondages donnaient alors : a) le groupe des nationalistes à 35 % avec Le Pen et Zemmour au coude-à-coude autour de 15 % à 17 % chacun ; b) le groupe des centristes à 36 % dont Pécresse représentait 1/3 et Macron 2/3 ; c) le groupe des gauches à 29 % dont Mélenchon représentait 12 et Jadot 8.
– Deux mois plus tard, les électeurs ont modifié leur choix à l’intérieur de chaque groupe pour des raisons stratégiques souvent au détriment de leur penchant spontané : soit pour favoriser l’accès au 2ème tour d’un candidat de leur camp, soit pour barrer l’accès au 2ème tour d’un candidat d’un camp opposé.
– Qu’est-ce qui a déterminé ces glissements internes en faveur du candidat supposé mieux placé ?
– Dans le bloc des Nationalistes, Le Pen a gagné 7 points, Zemmour en a perdu 8.
La première a évité « les sujets qui fâchent » sur le changement de civilisation en supposant habilement que son seul nom était garant de sa détermination. Le second a « foncé dans le tas » en exprimant crûment ses convictions sans souplesse dans leur formulation .
– Dans le bloc des Centristes, Macron a gagné 4 points, Pécresse en a perdu 7.
Le premier a bénéficié de sa présidence de l’Union Européenne en temps de guerre. La seconde a été victime de ses mauvais meetings (par exemple : garder la bouche béante pendant 10 secondes avant le début de chaque séquence).
– Dans le bloc des Gauches, Mélenchon a gagné 10 points, Jadot en a perdu 4.
Le premier a dominé le lot par son excellent talent de tribun qui lui permettrait de vendre n’importe quel programme. Le second n’a pas su élargir son écologie au-delà de sa vieille idéologie anti-capitaliste.
Observation : si le Parti Communiste de Roussel avait soutenu Mélenchon comme il l’avait fait en 2017, la face du second tour en eût été changée et nous aurions eu certainement un duel Macron/Mélenchon. Pour le spectacle seulement, on peut regretter leur grand débat télévisé !
– Le second tour – Abstenons-nous de toute prévision mais remarquons que son résultat, certes important pour la France, pourrait être atténué par l’importance et les résultats du troisième tour : les élections législatives du mois de juin.
– Les législatives de juin – Elles auront d’autant plus d’importance qu’on vient de voir que la répartition des voix le 10 avril à l’intérieur de chacun des 3 blocs a été sollicitée par la stratégie présidentielle mais n’est pas conforme aux penchants naturels et spontanés de tous les électeurs.
Leur résultat pourrait donner une Assemblée Nationale dont la majorité n’aurait pas la même orientation politique que Macron ou que Le Pen. Le Président élu désignera un Premier Ministre compatible avec son projet, mais la Constitution de 1958-1962 trouvera enfin son application : elle donne le pouvoir au Gouvernement et au Parlement et en cas de discordance ce dernier aurait le dernier mot et le Président devrait se soumettre en renonçant à tout ou partie de son « programme ».
Bernard Vincens
Délégué Départemental VIA 94