Trouvez-vous normal que le candidat Emmanuel Macron refuse de débattre avant le premier tour des élections présidentielles ?
Emmanuel Macron, qui s’est officiellement déclaré candidat à l’élection présidentielle le 3 mars 2022 à peine un jour avant la clôture des candidatures, a annoncé qu’il ne participerait à aucun débat avant le premier tour.
Dans notre société hypermédiatisée qui raffole des affrontements télévisés cacophoniques, cette annonce a suscité de nombreux commentaires. Certains ont même qualifiés cette position «d’antidémocratique». Pour se défendre, Emmanuel Macron et ses soutiens ont avancé qu’un grand débat avant le premier tour serait «une vraie foire d’empoigne» et qu’il n’y aurait donc pas de réel débat apaisé. Ce qu’on a pu voir jusqu’ici tend d’ailleurs à leur donner raison. Le président sortant soutient également qu’aucun de ses prédécesseurs qui se représentait ne l’a fait. Ce qui est tout à fait vrai, puisque ni Charles de Gaulle, ni François Mitterrand, ni Jacques Chirac, ou Nicolas Sarkozy n’ont débattu avant le premier tour lors de leur campagne pour leur réélection. Jacques Chirac avait même refusé de débattre avec Jean-Marie Le Pen lors de l’entre-deux-tours, alors que le débat du second tour, sans toutefois être une obligation, est une tradition assez bien respectée depuis 1974 et son introduction. De plus, le débat à douze de 2017 étant une grande première dans l’histoire de la Ve République, il n’y a rien d’aberrant à ce que celui-ci ne soit pas reconduit cette année. On peut donc comprendre qu’environ 19,18% des personnes qui ont répondu à cette question trouvent ce refus de débattre normal.
Toutefois, et cela commence malheureusement à être une habitude pour Emmanuel Macron, le problème vient avant tout du mépris avec lequel celui-ci et son entourage agissent. Le député LREM Jean-François Eliaou a déclaré dans les colonnes de Libération que si le Président se refusait à débattre, c’était parce que «la qualité des personnalités en lice ne justifiait pas que l’on s’abaisse à discuter avec eux». Pire encore, le candidat de La République En Marche assure qu’en cas de réélection il mènera «un nouveau grand débat permanent», afin que «la responsabilité» des réformes soit «partagée». Cela constitue, disons ce qui est, un triple affront au peuple français. D’abord parce qu’il refuse de débattre avant le premier tour justement pour ne pas avoir à rendre compte des réformes qu’il a tenté. Ensuite car les différentes conventions citoyennes du quinquennat 2017-2022 n’ont jamais conduit à rien alors qu’elles ont été organisées par des onéreux cabinets de conseil. Et enfin car Emmanuel Macron veut essayer de se protéger derrière le peuple français alors qu’il n’a fait que mépriser et dénigrer ce dernier pendant cinq longues années.
Si le candidat à l’élection présidentielle refuse le débat, c’est parce qu’il ne veut pas avoir à répondre à toutes les accusations qui lui sont faites sur les gilets jaunes, l’affaire Benalla, Alstom, sa déclaration de revenus, McKinsey, la gestion de la crise sanitaire ou encore tous ses mensonges et revirements. Il ne veut pas avoir à répondre de son bilan et espère bien pouvoir être réélu non pas grâce à son programme et son action mais par défaut.
Il est compréhensible au vu de toute cette accumulation que 78,08% des personnes qui ont répondu estiment ce refus de débattre anormal. Il est regrettable que le président sortant attise ainsi l’exaspération des Français à son encontre alors qu’il est encore censé incarner l’unité. Ce refus de débattre d’Emmanuel Macron, conjugué à celui de Marine Le Pen, amène les électeurs à se démobiliser et favorise donc une forte abstention. Ce qui conduit à un pouvoir de moins en moins légitime, alors même que les actions contraires aux intérêts du peuple français conduites par les différents gouvernants détruisent déjà cette légitimité.